Alexandra est formée à l’accompagnement de la haute sensibilité par l’Observatoire. Son travail d’accompagnement des enfants, dans toutes leurs singularités, est une inspiration éclairante, cultivant avec soin et allégresse la richesse du vivant sensible et dessinant des lendemains plus conscients et plus sensibles.
Bientôt le mois de mai… Que cette année passe vite ! Cela fait quinze mois que je partage mon quotidien avec mes élèves. L’année dernière en CE1, cette année en CE2. Quinze mois faits de rires, de doutes, de fatigue, de larmes de tristesse ou de joie, de victoires, de sensibilité et de bonheurs. C’est ce que j’aime dans la vie de classe, ce partage de moments, les bons comme les plus compliqués.
Mais j’ai beau adorer mon métier, je le trouve énergivore (il n’y a qu´à voir mon état et celui de mes collègues la semaine précédant les vacances ainsi que le nombre d’heures passées à dormir le premier week-end), car il demande une implication et une vigilance de chaque instant. Vivre avec 23 enfants toute la journée, c’est être sollicitée à tout moment de différentes manières.
Une fois, une personne a tenté de m’expliquer que j’avais un métier cool car non seulement je passais ma journée avec des enfants assis à travailler mais aussi que mes journées étaient courtes, sans oublier les vacances. Ah oui les fameuses. Voici en général ma réponse : certes je transmets des savoirs, mais je soigne les bobos (j’ai une boîte à pansements magiques dans mon sac), je répare tout un tas de choses, des compas, des fermetures éclair, des gourdes et j’en passe, je suis aussi policière et juge en cas de conflits tout en essayant de les rendre au maximum autonomes dans ces situations. Je mouche des nez, je prends la température, je surveille la récré, j’habille, je fais des nattes ou des queues de cheval, je remets les manches des manteaux ou des pulls à l’endroit, je fais ou défais les doubles nœuds (j’en profite pour faire une demande personnelle : ne mettez pas de chaussures à lacets aux enfants qui ne savent pas les faire, merci), je discute, j’essaye de trouver les bons mots pour soulager les maux, je fais du mime, du théâtre mais aussi de l’improvisation, je nettoie les vomis et les habits souillés, je câline, je rassure, j’explique les codes des adultes que souvent les enfants ne comprennent pas, je les aide eux-mêmes à mieux se comprendre et à mieux comprendre leurs pairs, je suis aussi arbitre de foot, admirative (parfois forcée) de leurs dessins et autres sauts à la corde. Tout ça quand je suis avec eux mais il y a aussi tout ce qui est fait derrière le rideau : je corrige, je crée les outils les plus adaptés à chacun, je me questionne beaucoup, je vois les parents, je travaille avec mes collègues.
Nous ne comptons jamais nos heures pour ne pas être affolés par le temps consacré à l’école (sans quasi aucune reconnaissance de notre hiérarchie car chez nous les primes et les compliments n’existent pas beaucoup). Nous pensons souvent à nos collègues du secondaire qui ont une infirmière et des surveillants pour les soulager, qui ont une pause toutes les 55 minutes pour souffler un peu. Mais certainement estime-t-on là aussi qu’il soit plus simple de s’occuper d’enfants que d’ados. Bref…
Je me permets ici de parler de la place de ma haute sensibilité au quotidien au boulot. Je vais commencer par ce qui n’est pas simple. Le plus gênant pour moi ? La fatigue auditive causée par le bruit en classe, dans les couloirs et dans la cour. La fatigue visuelle due aux néons du plafond et à la couleur des murs et du sol de mon école. La fatigue émotionnelle due à cette hypersollicitation sans oublier le côté éponge à émotions. Alors je m’isole dès que je peux dans la journée, en particulier au moment de la pause du midi, je ne rejoins mes collègues qu’après un moment passé seule dans ma classe. Quand je rentre chez moi, je prends du temps pour moi dans le calme avant de m’occuper de mes propres enfants (car oui ma journée n’est pas terminée à 16h30, il y a les devoirs, pfff). Pourtant, je me sens bien et heureuse en tant que prof hautement sensible malgré ça et je vais vous expliquer pourquoi.
Ma haute sensibilité est ma plus belle qualité au boulot. Tout d’abord, c’est elle qui me permet de créer tous les outils pour mes élèves car ma tête a la capacité de fournir 1001 idées par jour. Comme je vous l’ai précédemment expliqué, je n’utilise pas de manuels car je ressens le besoin de m’adapter le plus possible à mes élèves, à leur niveau scolaire, à leurs difficultés et leurs réussites, à leur humeur du jour parfois incompatible avec le programme prévu. Par exemple, pendant les dernières vacances, j’ai fait le constat qu’ils ne lisaient pas assez, j’ai donc réfléchi à un outil qui allait les lancer dans la lecture avec, ce qui me semble le plus important, du plaisir et j’ai inventé un défi lecture qui est devenu une belle réussite car ils ont adoré et se sont tous mis à lire. J´en viens à vous parler de ma deuxième force liée à ma haute sensibilité : je me qualifie d’enseignante intuitive. Mon intuition me sert autant à créer des outils qu´à trouver les mots justes pour apaiser les enfants qui ne vont pas bien ou qui sont en pleine «crise». Je n´ai pas de recette, je sais intuitivement ce qu’il faut dire et comment il faut le dire pour calmer, apaiser, rassurer, secouer, encourager… Il m´a fallu du temps pour comprendre et apprivoiser cette belle intuition, pour lui faire confiance, pour me faire confiance.
Je finirai cette chronique par une réflexion personnelle, ou plutôt deux.
J’invite tout d’abord chaque personne à réfléchir sur la pénurie d’enseignants à laquelle nous sommes aujourd’hui confrontés. Comment un boulot, soi-disant si cool et avec autant de vacances, peut-il attirer de moins en moins de personnes ?
J’encourage ensuite chaque enseignant, et en particulier les enseignants hautement sensibles, à bien comprendre leur «fonctionnement» afin de mieux identifier leurs besoins, pour pouvoir vivre de manière plus épanouissante leurs journées de classe avec leurs élèves. Ce travail, que j’ai fait, me permet aujourd’hui d’être moins fatiguée, plus efficace, et surtout de faire le même travail avec mes élèves pour qu’ils comprennent mieux eux aussi leurs besoins, leurs forces, leurs atouts et leur singularité.
N´hésitez pas à me contacter si vous en éprouvez l´envie. En attendant, je retourne à mes activités de vacances afin de revenir en pleine forme auprès de mes élèves. Belle et douce journée à tous.
Merci beaucoup 🙏Alexandra pour cette chronique. J’aurais aimé avoir une maîtresse aux mille couleurs comme toi à mon époque . Merci pour tout ce que tu fais avec tes élèves aux mille couleurs tel des arc-en-ciel 🌈. Continuez à briller et diffuser de jolies couleurs.✨🧚♀️🌈
Merci Isabelle 🙏
Toi aussi tu mets de la couleur 🙂