Alexandra est formée à l’accompagnement de la haute sensibilité par l’Observatoire. Son travail d’accompagnement des enfants, dans toutes leurs singularités, est une inspiration éclairante, cultivant avec soin et allégresse la richesse du vivant sensible et dessinant des lendemains plus conscients et plus sensibles.

 

À l’occasion de la Quinzaine de la sensibilité, j’ai eu envie de vous proposer un Parcours d’Enfant Sensible supplémentaire, le mien. Plusieurs de mes interviewés m’ont demandé quand j’écrirai le mien, eh bien le voilà. Merci encore, Alban, de me laisser cet espace de parole et cette liberté (je comprends pourquoi tu écris tant).

C’est étrange cette rencontre miroir, se livrer à soi-même, ailleurs que dans sa tête. J’espère que cela vous plaira. Je me suis permise quelques dédicaces à ceux qui se sont déjà prêtés au jeu et que je remercie encore. Belle et douce lecture à tous.

 

1. Petite présentation

Prénom : Alexandra

Nom : Devaux

Âge (si tu en as envie) : 48 ans

Profession : professeure des écoles, mais pas que…

2. Quand as-tu pris conscience de ta haute sensibilité et quelles en sont les principales caractéristiques ?

J’en ai pris conscience en 2020, au moment de la « pause COVID ». Étant coincée à la maison, j’ai enfin pu prendre le temps de réfléchir, de me poser car je sortais d’une période un peu mouvementée de ma vie et je m’accordais peu de temps. J’avais besoin de comprendre le fonctionnement un peu particulier de mes enfants. J’ai rencontré une personne qui m’a amenée à découvrir la haute sensibilité et ses caractéristiques. Et puis, petit à petit, grâce à de nombreuses lectures, j’ai commencé à comprendre et à me dire que finalement il n’y avait peut-être pas que mes enfants qui étaient concernés 😉

Ma haute sensibilité concerne principalement 3 de mes sens : l’odorat, l’ouïe et le toucher, même si elle touche aussi mes 2 autres sens. Pour chacun d’eux, mes ressentis sont très forts, dans l’agréable comme dans le désagréable, mais j’ai appris à focaliser sur le beau, le bon, sur ce qui me fait du bien. J’ai appris aussi à « me reposer » après de fortes stimulations. J’ai compris que la musique que j’écoute et mes émotions sont intimement liées, que les jours de grand vent je peux avoir des plaques d’eczéma (Aurore – petite dédicace), que la douceur sur ma peau prime sur le « style », qu’après avoir parlé toute la journée j’ai souvent besoin de me taire complètement, et tant d’autres choses. En me comprenant, j’ai aussi mieux compris mes enfants et les gens autour de moi. Cette sensibilité s’accompagne aussi d’une intuition très présente à laquelle je me fie beaucoup, d’une grande empathie ainsi que d’une grande émotivité (Florian, moi aussi je pleure beaucoup devant un film). Elle m’a appris à mieux m’entourer, à ne plus laisser rentrer dans mon cercle les personnes qui n’y avaient pas leur place.

 

3. As-tu des souvenirs d’école ou de vie avec les autres, bons ou moins bons, liés à ta haute sensibilité ?

Je n’ai pas de mauvais souvenirs d’école (c’est peut-être pour ça que je suis devenue prof), mis à part le fait que ce n’était pas toujours très intéressant. J’ai sauté une classe, puis en ai redoublé une autre. Entre la Première et la fin de mes études à la fac, j’ai changé 4 fois de thématiques (l’ennui peut-être encore) pour finalement passer le concours de professeur des écoles. J’ai toujours eu besoin de moments avec les autres et de moments seule, je n’ai jamais été en mauvaise compagnie avec moi-même.

J’aime l’humain, mais j’aime surtout le ressentir et le comprendre. Je peux donc sembler parfois curieuse mais je cherche juste à étancher ma soif de l’autre. J’aime autant être au milieu de mes élèves qu’être seule sans parler à personne et j’en ai besoin pour me ressourcer. Mais en vieillissant, je me rends compte que j’ai de plus en plus de mal à me retrouver dans de endroits bruyants ou bondés de monde par exemple (sauf en concert, car il y a la musique sans doute).

Mes amis se connaissent mais ce que je préfère ce sont les entrevues à deux, celles où on parle, on rit, on refait le monde, on pleure, on se livre sans masque.

Je n’ai pas souvenir de professeurs nous expliquant ce qu’étaient les émotions (tu vois, moi non plus, Diane), les ressentis, la différence, l’acceptation de l’autre. Au moment où j’ai découvert tout ça pour moi-même, si tard, cela a été une évidence de le faire découvrir à mes élèves, qui peut-être le feront découvrir à leurs parents.

 

4. Qu’aurais-tu aimé avoir ou faire à l’école afin de mieux vivre ces temps de classe et de pouvoir explorer pleinement ta sensibilité ?

Jusqu’à 45 ans, je n’aurais pas su répondre à cette question car il me semble difficile d’être en manque de quelque chose que l’on ne connaît pas. Mais celle que je suis aujourd’hui, celle qui est en contact quotidien avec son enfant intérieur peut répondre. J’aurais juste envie de vous dire « Venez chez moi ou dans ma classe, et vous comprendrez. » C’est justement pour cette raison que j’ai créé ma page Instagram, pour partager mon quotidien avec mes élèves entre autres. C’est pour cette raison aussi que j’ai eu envie d’écrire ces Parcours d’Enfant Sensible, pour découvrir ce que d’autres avaient dans le cœur.

 

5. As-tu des conseils à partager afin d’être une hypersensible heureuse ? 

Il y en a plein alors je vais essayer d’aller au plus simple. Le plus important est de s’aimer, car se donner de l’amour permet selon moi d’aimer mieux les autres. S’aimer ne veut pas dire se trouver la plus belle ou la plus intelligente mais s’accepter entièrement, accepter sa lumière et ses ombres. L’amour représente les racines de l’arbre, celles qui permettent de s’ancrer, de tenir debout malgré les tempêtes. Cet amour doit être solide pour ne pas tanguer. On attend souvent de l’autre qu’il nous témoigne son amour et quand ça n’arrive pas, on vacille car on se retrouve en manque d’amour, d’où la nécessité d’être capable de s’en donner à soi-même. L’amour de l’autre, des autres, est la cerise sur le gâteau et non le gâteau.

Je dirais aussi de prendre le temps de réfléchir à ses ressentis, qu’ils soient sensoriels ou émotionnels afin de mieux les vivre. Concernant la sensibilité, comme je ne supporte plus les soirées surpeuplées et bruyantes, je ne me force plus à y aller car je sais que je vais être mal. Écouter ce que l’on ressent, c’est aussi prendre soin de soi, comme un bon massage. Si je ne me sens pas bien en classe, j’essaye de changer quelque chose dans ma journée pour me sentir mieux. Et puis il y a surtout les attaques et l’agressivité des autres, les remarques désagréables faites pour déstabiliser. Avant, cela me faisait monter en pression, puis j’ai appris à réfléchir à la raison pour laquelle cette remarque me « piquait », qu’est-ce qu’elle évoquait chez moi, pourquoi est-ce que je réagissais comme ça, plutôt que de réagir dans l’agressivité moi aussi. Comme je le dis à mes élèves « Une personne heureuse n’a pas envie de taper, d’insulter, d’agresser », alors j’essaye chaque jour d’être heureuse et de trouver une solution en moi-même quand je le suis moins. Je sais aujourd’hui que je peux être en colère ou triste, tout en étant heureuse, ce qui me permet d’accueillir plus sereinement toues mes émotions.

J’ose, je me sens libre d’essayer, de réussir ou de chuter, je mérite le meilleur, et comme le dit si bien Élise : Ceci est non négociable.

J’ai fait la paix avec chaque partie de moi, j’accueille avec bienveillance mes erreurs ou les obstacles car ce sont eux qui me permettent d’évoluer vers qui j’ai envie d’être pleinement. Je suis pleine de gratitude pour la famille de sang et la famille de cœur qui m’entourent. Une nouvelle vie s’est ouverte et j’en profite pleinement. Et je vous souhaite à tous une belle vie de sensibilité, car la quinzaine c’est beaucoup trop court.