Alexandra est formée à l’accompagnement de la haute sensibilité par l’Observatoire. Son travail d’accompagnement des enfants, dans toutes leurs singularités, est une inspiration éclairante, cultivant avec soin et allégresse la richesse du vivant sensible et dessinant des lendemains plus conscients et plus sensibles.
Février, le froid, la pluie mais aussi le mois de l’amour, du plaid sur le canapé, d’un thé, d’un bon bouquin… L’occasion de se coconner et de prendre soin de soi, comme va nous en parler mon invitée de ce mois-ci, Sophia Madar, metteure en scène, professeure de théâtre et d’improvisation, directrice de son école de théâtre Evenice.
A la fin du confinement, après m’être lancée dans la découverte de moi-même, j’ai eu envie de faire du théâtre. On était en février et j’ai commencé à chercher un cours pour la future rentrée scolaire. Le premier lien qui m’est apparu proposait un cours d’essai, 15 jours plus tard, à 5 min à pied de chez moi. A part la peur, rien ne pouvait m’empêcher de m’inscrire à ce cours d’essai. Alors j’ai pris mon courage à demain et j’y suis allée, l’envie de découvrir cette pratique et de rencontrer de nouvelles têtes étant la plus forte. Sophia était la professeure de ce cours. Nous ne nous sommes depuis plus quittées (ou presque) car en plus d’être ma prof de théâtre, elle est devenue mon amie.
Je vous laisse en sa compagnie afin de découvrir son Parcours d’Enfant Sensible.
1. Petite présentation
Prénom : Sophia
Nom : Madar
Âge (si tu en as envie) : 42 ans
Profession : Prof de théâtre et d’improvisation / Metteure en scène
2. Quand as-tu pris conscience de ta haute sensibilité et quelles en sont les principales caractéristiques ?
Quelques mois avant mes 40 ans. J’ai passé un test et voilà ! J’étais très soulagée de découvrir que mon fonctionnement n’était pas si décalé et bizarre que ça, que quelques un.e.s aussi ressentaient aussi ce que je vivais.
Le découvrir plus tôt m’aurait sans doute permis de ne pas rester dans des schémas qu’on m’imposait et dans lesquels je ne me sentais pas bien, en me disant tout le temps que ce devait être moi le problème, que je n’étais pas adaptée à ce monde (école, entreprises, cercles sociaux).
Les caractéristiques de ma sensibilité (de mon caractère aussi, je ne sais pas encore différencier) : je réfléchis beaucoup et très vite, je suis la spécialiste des digressions et des décrochages en cours de conversations, je me remets beaucoup en question. J’ai aussi un taux vibratoire émotionnel assez haut et je peux être très vite en up ou en down en fonction de mon environnement, des gens ou de ma dose de stimuli.
J’ai une forte intuition qui est surtout énergétique, je vais recevoir des informations par d’autres biais que les mots : le non verbal est ma première grille de lecture des gens.
3. As-tu des souvenirs d’école ou de vie avec les autres, bons ou moins bons, liés à ta haute sensibilité ?
A l’école, on m’a toujours dit « dans la lune », je n’ai pas souvenir de professeurs qui se soient penchés sur mon cas.
J’avais un imaginaire très développé qui pouvait gêner mon entourage et me mettre en décalage. Mais à l’époque, j’étais déjà up et down donc j’ai traversé des périodes où j’étais la star de la récré et d’autres où je me faisais harceler. Et comme je n’avais pas d’adultes aidants autour de moi, je me suis forgée toute seule en comprenant très tôt que je devais m’adapter aux autres pour m’intégrer. On m’avait éduqué à mentir, à séduire pour arriver à mes fins alors je mettais ça en pratique, inconsciemment (j’étais une petite fille) dans mes rapports aux autres. Et quand je n’avais pas la force de le faire, je regardais juste le ciel par la fenêtre de la classe et j’entrais dans mon monde imaginaire. Je n’étais pas considérée comme une élève brillante, j’étais dans la moyenne. Je passais par mes propres réflexions pour arriver aux mêmes résultats, ce qui a désarçonné pas mal de mes profs et m’a même couté des points en moins !
4. Qu’aurais-tu aimé avoir ou faire à l’école afin de mieux vivre ces temps de classe et de pouvoir explorer pleinement ta sensibilité ?
Qu’on m’écoute, qu’on me regarde. Qu’on ne m’impose pas un schéma unique de pensée car je comprenais autrement et j’arrivais aux mêmes résultats mais les profs avaient l’air d’être touchés dans leur égo parce que je n’utilisais pas leur logique.
J’aurais eu aussi envie qu’on parle des émotions, qu’on fasse du théâtre très tôt, ça m’aurait peut-être permis de raconter ce que je vivais à la maison et de comprendre peut-être que c’était aux adultes de me protéger. J’aurais aimé plus d’attention en général car les situations de harcèlement que j’ai vécues se faisaient généralement aux yeux de tous mais à l’époque, on me disait que je ne savais pas me défendre, que j’étais faible … Un peu plus de psychologie, quoi ! J’aurais mieux exploré ma sensibilité si j’avais eu des espaces de paroles sécurisants où je n’aurais pas craint d’être punie d’être qui j’étais …
5. As-tu des conseils à partager afin d’être un hypersensible heureux ?
Le savoir, l’assumer et ne pas essayer d’entrer dans les cases dictées par celles et ceux qui ne sont pas dans votre peau, n’ont pas votre vécu et qui n’ont souvent pas, l’expérience que vous avez ! !
Jusqu’à mes 40 ans, j’ai traversé la vie en mode incognito et cette révélation m’a permis d’ôter des poids énormes de contrariétés (et de gens) de mes épaules.
Je vis davantage pour moi, je fais de moi la priorité en comprenant mieux mon fonctionnement. J’aime beaucoup m’isoler pour me ressourcer, je ne le vis pas comme de la solitude mais comme des moments pour moi que j’appelle « la vita lenta ». Je me chouchoute en activant les stimuli qui me rendent heureuse : les odeurs, les textures (d’une couette douillette par exemple), les couleurs, écouter de la musique, regarder le ciel (toujours dans la lune …)
Je m’offre du temps.
Quand je suis trop stimulée, la cocotte explose alors j’apprends à m’écouter et je dis non quand je ne peux plus, sans me confondre ni en justifications, ni en auto-flagellations.
Je me préserve et je nomme ma sensibilité, je me fais connaître sans masques et sans complexes. Et depuis, je n’ai plus de problème à trouver ma place dans le monde 🙂
Tout d’abord un grand merci à Sophia de s’être livrée à cœur ouvert.
J’aimerais tout d’abord revenir sur son parcours scolaire. Une de ses réponses à la question « Qu’aurais-tu aimé avoir ou faire à l’école afin de mieux vivre ces temps de classe et de pouvoir explorer pleinement ta sensibilité ? » résonne très fort en moi : Qu’on m’écoute, qu’on me regarde. Cela a été un choc de les lire. Comment peut-on laisser à un enfant ce sentiment d’invisibilité et de transparence ? Enseigner, c’est, pour moi, travailler avec l’humain et avec humanité. Nous devons aider ces enfants à grandir, à s’épanouir afin de leur permettre d’avoir pleinement leur place dans notre société. Il me semble impossible d’y arriver si nous, professeur ou éducateur, ne leur portons pas assez d’attention. La classe est une micro-société dans laquelle chaque enfant a une place, c’est l’apprentissage de la vie en groupe, qui les prépare à leur avenir. Une de nos missions est de leur apprendre à se faire confiance, et comment avoir confiance en soi si l’autre ne nous voit pas, ne nous écoute pas. Certains enfants deviennent même « transparents » en classe et sont même parfois qualifiés d’enfants très sages car ils ne font pas de bruit alors qu’ils se sont juste recroquevillés dans leur coquille. Parfois, seul le travail en petits groupes ou en atelier permet de voir si un enfant est timide, réservé, « dans la lune » ou alors dans un mal-être plus profond. Notre travail nécessite beaucoup de temps d’observation, qui sont souvent rares si l’on fait classe en grand groupe tout le temps, avec des effectifs souvent excessifs.
Revenons ensuite à cette éducation normative décriée par Sophia. Cette année encore, lors d’une formation en mathématiques sur le calcul mental, j’ai pris la parole pour expliquer qu’en maths seul le résultat était important. En effet, on tentait de nous expliquer qu’il existait une procédure de calcul « experte », celle qu’il fallait transmettre aux enfants, chose avec laquelle je ne suis évidemment pas d’accord. Finalement, nous avons réussi à convaincre la formatrice car nous-mêmes n’utilisions pas toutes et tous la même procédure face au même calcul. Effectivement, nous sommes souvent, nous aussi les profs, confrontés à la pensée unique même dans notre classe où la liberté pédagogique est de rigueur. Je n’utilise pas de manuels mais j’entends souvent qu’il faut en avoir. Peut-être est-ce la raison pour laquelle les profs proposent une norme aux élèves, car c’est comme ça qu’ils ont été formés en tant qu’enseignants, et comme ça qu’ils ont appris en tant qu’élèves. J’essaye, au quotidien, de laisser de la place à chacun de mes élèves, à chacune de leur procédure ou de leurs explications. Je les écoute, je les encourage, je les corrige, j’oriente vers la bonne réponse si ce n’est pas le cas. C’est une des manières de leur permettre de prendre leur place au sein de la classe et de leur apprendre à respecter la pensée et la parole de l’autre.
Evidemment, tout ce travail de respect et d’écoute permet aux enfants d’avoir davantage confiance en eux, de se respecter et de respecter les autres pour, je l’espère, être moins victime de harcèlement scolaire. D’ailleurs, avec Sophia et mon frère Benjamin (qui nous livrera prochainement son Parcours d’Enfant Sensible), nous avons créé un programme à destination du milieu scolaire pour prévenir le harcèlement grâce aux pratiques théâtrales. N’hésitez pas à aller faire un tour sur le site www.evenice.fr afin de découvrir notre beau projet et pour le soutenir financièrement en adhérant à l’association car nous avons besoin de vous. Sophia anime tout au long de l’année des cours de théâtre et d’improvisation ainsi que de nombreux ateliers, si cela vous tente, n’hésitez pas.
Enfin, je valide à 2000% les conseils de Sophia pour être une hypersensible heureuse : s’écouter, se chouchouter, prendre soin de soi, mettre ses limites, exprimer ses besoins et être à sa propre écoute afin d’éviter les débordements de marmite. Aimez-vous et aimons-nous.
Je vous remercie de nous avoir lu et je vous invite à aller découvrir l’univers de Sophia sur sa page insta @eveniceparis et je vous retrouve avec plaisir sur la mienne @alexandradevaux8
A très vite et prenez soin de vous…
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