Alexandra est formée à l’accompagnement de la haute sensibilité par l’Observatoire. Son travail d’accompagnement des enfants, dans toutes leurs singularités, est une inspiration éclairante, cultivant avec soin et allégresse la richesse du vivant sensible et dessinant des lendemains plus conscients et plus sensibles.

 

Et voilà, 2023 se termine. Une nouvelle année ponctuée d’événements terribles mais aussi de choses magnifiques. J’apprends à sublimer le beau pour ne pas me laisser envahir par ce qui l’est moins. C’est ce qu’a fait mon invitée de ce mois de décembre. Diane, malgré tout ce qu’elle a connu d’horrible dans sa vie, apprend petit-à-petit à prendre soin d’elle tout en continuant à prendre soin des autres. Je vous laisse découvrir une petite partie de son parcours de vie qui lui permet aujourd’hui de s’aligner pas à pas.

 

1. Petite présentation

Prénom : Diane

Nom : Huet

Âge (si tu en as envie) : 47

Profession : psychologue clinicienne

2. Quand as-tu pris conscience de ta haute sensibilité et quelles en sont les principales caractéristiques ?

Tard, à mon grand regret !

Un jour, j’en ai eu assez d’avoir tout le temps peur de tout, de mon anxiété, de mon hypervigilance. Je tape sur internet : peur d’avoir peur, ce qui résumait assez bien ma problématique, et je tombe sur une page parlant d’Elaine Aron et de son livre «Les gens qui ont peur d’avoir peur». C’était moi, l’hypersensible !

Je commande le livre et le lis, ça me fait du bien. Ce livre décrit bien le fonctionnement, mais en revanche ne parle pas de comment en prendre soin.

Plus tard, sur le conseil de ma psy, j’ai lu « Trop intelligent pour être heureux » de Jeanne Siaud-Facchin. Même déception ! Et alors ? On en fait quoi ? Je m’y prends comment ?

Je précise qu’à l’époque de ces deux lectures, je n’étais pas encore psychologue donc je les lisais le cœur grand ouvert.  Et puis, Alexandra m’a offert « Hypersensibles » d’Elaine Aron, qui parle mieux des ressentis et de la façon dont prendre soin de son hypersensibilité, et là j’ai commencé à réfléchir à tout ça et à me laisser toucher finalement. C’est vraiment en écrivant mon mémoire de fin d’études il y a deux ans que j’ai réalisé à quel point l’hypersensibilité pouvait être un cadeau de la vie : j’ai écrit sur la présence thérapeutique. Mon prof, qui était un peu une terreur, m’a dit que j’avais des intuitions fines. Avec l’appui de ma responsable de stage qui me l’avait dit aussi, j’ai commencé à croire en cette hypersensibilité.

Elle s’exprime par une hyperacousie partielle (quand les bruits se superposent, cependant, je perds mes moyens !), une sensibilité au beau (je peux pleurer devant un tableau ou une musique, voire les deux). D’ailleurs, je recommande d’aller voir au musée d’Orsay la porte de l’enfer de Rodin tout en écoutant la danse macabre de Saint-Saëns, magique ! Je sens les gens et leurs humeurs, une intuition que parfois j’ai du mal à expliquer. Il y a une hyperkinésie aussi qui me fait notamment caresser et renifler mes livres avant de les choisir !

3. As-tu des souvenirs d’école ou de vie avec les autres, bons ou moins bons, liés à ta haute sensibilité ?

Les souvenirs d’école sont peu heureux car trop de gens, trop de stimuli, trop d’odeurs et de bruits en même temps.

Mon hypersensibilité n’avait pas de repos car malheureusement à la maison j’étais victime de maltraitances nombreuses et répétées avec du coup l’impression continu d’un flot roulant d’émotions qu’il fallait mettre de côté pour survivre. Aujourd’hui encore j’ai des moments de dissociations et des flashbacks qui sont difficiles à supporter, mes émotions sont intenses et me font peur car je n’ai pas eu de figure d’attachement pour me rassurer et me sécuriser. Aussi j’apprends peu à peu ! Je peux quand même dire que l’hypersensibilité, même dans une enfance de maltraitances, m’a sauvée car j’ai puisé dans les petits faits du quotidien des joies qui m’ont aidée à tout supporter. Je me souviens du chant d’un petit moineau tous les matins quand j’allais au lycée, qui était devenu pour ainsi dire ma raison de vivre à ce moment. Aujourd’hui encore je savoure ces petits moments donnés par la vie !

4. Qu’aurais-tu aimé avoir ou faire à l’école afin de mieux vivre ces temps de classe et de pouvoir explorer pleinement ta sensibilité ?

J’aurais aimé avoir dans ma classe un tableau des émotions pour mieux reconnaître et exprimer ce qui me traversait. C’est quelque chose que je travaille beaucoup avec mes patients, la reconnaissance des émotions. Quand on a un syndrome post-traumatique chronique, la mémoire traumatique a coupé l’émotion de la raison (allez voir les travaux de Muriel Salmona, c’est super bien expliqué). Aussi un hypersensible traumatisé, c’est un volcan qui met un verre d’eau sur l’explosion émotionnelle !!!

5. As-tu des conseils à partager afin d’être un hypersensible heureux ? 

Savourez toute la vibration au monde qu’apporte l’hypersensibilité. Elle est de chaque instant, cet oiseau qui chante, le gazouillis du petit enfant qui raconte sa journée, l’odeur humide du thé avant de le boire, cette musique qui enveloppe etc. Elle aide à se connecter à soi-même.

Dans la sensibilité qu’on a envers l’autre (les Américains parlent de people pleasers), vous pouvez le considérer avec bienveillance, lui sourire éventuellement mais après stop. Connaître sa limite, c’est fondamental pour être un super hypersensible qui ne s’épuise pas.

Se poser tous les jours pour digérer ses émotions et les dorloter. L’émotion est notre outil de base, surtout chez les hypersensibles. Et un outil a besoin d’être bichonné et entretenu pour être magnifique. Je recommande de le faire au moins une heure (et pas devant les réseaux sociaux ou la télé !).

Bref, aimez qui vous êtes pour mieux aimer les autres !

 

 

Tout d’abord, je remercie Diane de s’être prêtée au jeu des questions et de nous avoir montré que sa grande sensibilité a pu être une force pendant les parties très difficiles de sa vie.

J’en parlais dans l’introduction : apprendre à sublimer le beau, même quand il ne représente qu’une goutte dans un océan déchaîné. Diane nous parle du chant de ce moineau qu’elle entendait tous les matins en allant au lycée et qui était devenu, à ce moment, sa raison de vivre. C’est dans ces petits moments que je trouve que notre grande sensibilité est une force. Pour moi aussi, même quand la journée semble mal engagée, j’arrive à me laisser surprendre et voir le beau. Une plume ou une trace de cœur laissée au sol par la pluie suffisent à me redonner le smile et me rebooster. Une musique me redonne l’énergie dont je peux manquer. Cette sensibilité, qui nous fait vivre un yoyo d’émotions permanent, nous offre, certes des moments difficiles, mais surtout des moments magiques.

Parlons justement des émotions. Diane nous dit qu’elle aurait aimé avoir en classe un tableau des émotions pour mieux reconnaître et exprimer ce qui la traversait. Est-ce le rôle de l’école de parler des émotions ? J’aimerais pouvoir dire non car cela voudrait dire que cela est fait systématiquement à la maison. C’est parfois vrai et je le ressens tout de suite car, dans ce cas, l’enfant ne se laisse que rarement déborder par ce qui le traverse, il sait mettre des mots sur ce qu’il ressent et respecte les émotions ressenties par ses camarades. Malheureusement, je rencontre trop d’enfants colériques, utilisant leurs pieds et leurs mains car les mots manquent, incapables d’exprimer leurs émotions. La faute à qui ? À personne. Il y a des familles où on ne parle pas de « ça », celles où les adultes eux-mêmes ne sont pas à l’aise avec leurs propres émotions, parce qu’eux-mêmes n’ont pas appris à en parler et ainsi de suite. Certains expliquent même que les pleurs sont une faiblesse (un « truc de filles »), que le rire excessif est gênant (la journée a été dure et cela fait trop de bruit), ou que les coups sont une réponse nécessaire en cas de conflit (à la place des mots). Qui n’a jamais entendu ces petites phrases « Arrête de pleurer, ce n’est rien », « Si on te tape, tu tapes », « Il fait encore un caprice » ? Qui ne s’est jamais senti humilié car on se moquait de lui car la peur était présente ? Une prof a même reproché à ma fille de trop sourire et d’être heureuse. Car même si j’ai parlé plus haut des familles, tous les adultes, profs y compris, sont concernés. Évidemment, au fil du temps, l’enfant apprend à enterrer ce qu’il ressent, à étouffer ses émotions, à ne plus être lui-même. Alors oui je pense que chaque « éducateur » doit expliquer, respecter, accueillir toutes ces émotions, celles des enfants mais aussi les siennes. Je pense que malheureusement trop d’adultes sont des enfants qui n’ont pas été autorisés à vivre pleinement ce qu’ils ressentaient et sont aujourd’hui dépourvus de mots pour parler des émotions avec les enfants. Et si finalement la solution était de parler des émotions tous ensemble, petits et grands, les uns comme ils sont et les autres en écoutant leur enfant intérieur ? La période de Noël est peut-être propice pour ça, devant les décorations lumineuses, durant les moments de partage. Faisons-nous ce cadeau.

Merci encore à Diane, et n’hésitez pas à aller dialoguer avec elle sur sa reconversion de psychologue clinicienne pour encore mieux s’occuper d’elle et des autres (compte Insta : @dianeh2l)

Merci à l’Observatoire de la Sensibilité pour ce libre espace d’échanges.
Je vous rappelle qu’en 2024, l’Observatoire ouvre une formation sur la haute sensibilité en classe, à destination des profs et des accompagnants de groupes d’enfants ou d’adolescents en milieu scolaire.

Merci à vous de me lire et de partager.

Joyeuses fêtes à tous !

Alexandra

(compte Insta @alexandradevaux8)