Résumé
Face à des images qui les engagent émotionnellement, les personnes très sensibles présentent une activité cérébrale dans les zones associées au traitement de la récompense, à la mémoire émotionnelle, à la vigilance (peur), à l’apprentissage, à l’équilibre biologique, à la conscience, à la réflexion et à l’intégration des informations [1].
Objectif
Cette étude examine la relation entre l’activité cérébrale et les réponses aux images émotionnelles chez les adultes hautement sensibles, ayant une Sensibilité de Processus Sensoriel (SPS) élevée, et comment cette relation est impactée par la façon dont ces adultes ont été élevés par leurs parents.
Méthodologie de l’étude
Quatorze femmes (âgées de 18 à 25 ans) ont regardé des images agréables, désagréables et neutres, alors que leur cerveau était étudié par scanner (IRMf). Elles ont également rempli l’échelle Highly Sensitive Person (HSP), une mesure de la sensibilité du traitement sensoriel (SPS), une échelle de névrosisme (anxiété et dépression de faible intensité) et diverses échelles mesurant le type d’éducation parentale dont elles se souviennent avoir bénéficié dans leur enfance.
Résultats
Récompense et motivation
Lorsqu’elles regardaient des images agréables, les personnes sensibles présentaient, par rapport aux personnes moins sensibles, une activation plus importante dans les zones du cerveau responsables, entre autres, de la récompense et de la motivation (aire tegmentale ventrale, substantia nigra), et cette relation était encore plus forte chez les personnes sensibles ayant bénéficié d’un bon soutien parental durant leur enfance.
L’aire tegmentale ventrale et la substantia nigra sont toutes deux des sites importants liés à la dopamine, la substance neurochimique associée à la motivation et aux pulsions de survie telles que l’alimentation et la sexualité.
Cette association entre la Sensibilité de Processus Sensoriel (SPS) et les zones riches en dopamine soutient l’hypothèse selon laquelle le SPS est l’une des diverses stratégies susceptibles de favoriser la survie de l’espèce par un traitement plus approfondi des stimuli environnementaux, par un meilleur apprentissage et une meilleure mémorisation des associations entre stimuli et émotions, de sorte qu’une fois qu’une situation a été rencontrée, les décisions et les comportements pris à ce moment-là peuvent être retrouvés et répétés à l’avenir dans une situation similaire.
Peur et vigilance
Lorsque les personnes sensibles regardaient des images désagréables, elles présentaient une activation plus nette de l’amygdale, cette zone du cerveau en charge de la vigilance et de la peur. Cependant, si les personnes sensibles ont eu une enfance favorable, une zone du cerveau facilitant la régulation des émotions (cortex préfrontal dorsolatéral) était également active en même temps que l’amygdale.
Mémoire émotionnelle
Qu’il s’agisse d’images plaisantes ou déplaisantes, le cerveau des personnes sensibles était également plus actif dans les zones associées au stockage des souvenirs émotionnels (zone entorhinale, hippocampe), ainsi qu’au maintien d’un environnement interne stable et de l’équilibre énergétique du corps (hypothalamus).
L’hypothalamus joue un rôle essentiel dans le contrôle du stress, du métabolisme, de la croissance, des comportements sexuels, de la réponse immunitaire, du fonctionnement gastro-intestinal, de la respiration et du sommeil, entre autres.
Dans le cadre de sa fonction de contrôle du stress, il libère du cortisol pour améliorer la consolidation de la mémoire émotionnelle. L’hypothalamus présente également une connectivité accrue avec les zones émotionnelles (l’amygdale) et les zones de mémoire (l’hippocampe), en réponse aux stimuli émotionnels.
Ces résultats confirment les preuves comportementales selon lesquelles l’excitation émotionnelle, associée à la mémoire, peut faciliter le traitement en profondeur des informations pertinentes, l’une des principales caractéristiques de la sensibilité.
Traitement plus approfondi de l’information
Nos résultats ont également montré qu’un circuit cérébral appelé « réseau du mode par défaut » était plus actif chez les personnes sensibles lorsqu’elles regardaient des images.
Le réseau des zones cérébrales du mode par défaut comprend le précunéus, les régions pariétales et temporales, ainsi que la jonction temporo-pariétale (la zone où les lobes temporaux et pariétaux se rejoignent).
Ces zones sont impliquées dans la pensée profonde et détaillée, le langage et l’utilisation de données multisensorielles pour donner un sens à l’expérience présente et aux stimuli pertinents.
Les chercheurs pensent que le réseau du mode par défaut est associé à un niveau fondamental d’activité cérébrale lorsque le cerveau est au repos, c’est-à-dire lorsqu’il ne se concentre pas sur une tâche spécifique.
Ainsi, nos recherches suggèrent que les personnes sensibles traitent les informations cérébrales de manière plus approfondie, même lorsque leur cerveau est au repos. Il n’est donc pas étonnant qu’elles se sentent plus facilement dépassées que les personnes moins sensibles lorsqu’elles doivent traiter davantage d’informations !
Conséquences pratiques
Ces résultats viennent étayer les théories selon lesquelles certains individus sont très sensibles aux effets de leur environnement.
Par exemple, les personnes sensibles bénéficiant d’un soutien parental ont activé les zones de régulation émotionnelle du cerveau, ainsi que la zone de vigilance (amygdale) lorsqu’elles ont vu des images perturbantes. Ces résultats suggèrent que les personnes sensibles bénéficiant d’un soutien parental ont pu apprendre de leurs parents comment réguler leurs peurs, donc la vigilance de l’amygdale, en utilisant une zone du cerveau responsable de la réflexion et de l’autorégulation.
Ces résultats décrivent également les mécanismes cérébraux par lesquels le traitement sensoriel approfondi (SPS) et les conditions environnementales (telles que la qualité de l’éducation parentale dans l’enfance) affectent les résultats à long terme – via des circuits qui régulent l’humeur (récompense), la pensée profonde, l’autorégulation, la réflexion, la pensée sur soi et les autres, ainsi que la conscience.
Il est encourageant de constater que ces circuits sont les principales cibles du yoga et des pratiques méditatives, offrant ainsi au moins une approche capable de neutraliser les effets des expériences douloureuses et du stress. Parmi les autres techniques figurent les interventions comportementales, comme le montre une étude menée auprès de pré-adolescentes [2], dans laquelle, contrairement aux filles moins sensibles, les filles très sensibles ont bénéficié, encore un an après, des pratiques thérapeutiques proposées pour réduire la dépression chez les adolescents.
References :
- Acevedo, B.P., et al., Sensory Processing Sensitivity and childhood quality’s effects on neural responses to emotional stimuli. Clinical Neuropsychiatry, 2017. 14(6): p. 359-373.
- Pluess, M. and I. Boniwell, Sensory-Processing Sensitivity predicts treatment response to a school-based depression prevention program: Evidence of Vantage Sensitivity. Personality and Individual Differences, 2015. 82(0): p. 40-45.
Jadzia Jagiellowicz, Brain Response of Sensitive People to Emotional Pictures, November 3, 2020.
(Traduction Saverio Tomasella, août 2021.)
© Observatoire de la Sensibilité. Tous droits réservés.
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