Alexandra est formée à l’accompagnement de la haute sensibilité par l’Observatoire. Son travail d’accompagnement des enfants, dans toutes leurs singularités, est une inspiration éclairante, cultivant avec soin et allégresse la richesse du vivant sensible et dessinant des lendemains plus conscients et plus sensibles.

 

Quand Alban Bourdy, co-dirigeant de l’Observatoire de la Sensibilité, m’a proposé d’écrire une chronique régulière sur mon boulot d’enseignante hautement sensible, je me suis revue quelques mois en arrière, quand je n’osais pas, victime de ce syndrome de l’imposteur. Enseigner, oui, en parler, d’accord, mais écrire sur ce sujet… Et puis zut je me lance.

Je vais commencer par me présenter. Je m’appelle Alexandra, j’ai 47 ans et je suis une femme heureuse, maman comblée de 3 adolescents. En plus, il se trouve que je suis hautement sensible et HPI complexe. Même si j’ai toujours eu l’impression d’être différente, en décalage, je n’ai mis des mots sur mes atypies qu’en 2020/2021. Tout ce cheminement personnel depuis ces deux dernières années m’a permis de comprendre ma manière de fonctionner et surtout d’apprendre à prendre soin de moi, moi qui avais passé toutes ces années à ne prendre soin que des autres.

Ces atypies, je les considère comme une force dans mon métier. Je suis une professeure des écoles heureuse depuis 23 ans. Après avoir enseigné en ZEP pendant 12 ans, je suis allée habiter 4 ans aux Etats-Unis, ce qui m’a permis de découvrir un autre système scolaire. Depuis 2016, je suis revenue à Paris. Forte de tous ces enfants rencontrés durant ces longues années, je me sens enfin légitime à parler de ce que je fais en classe jour après jour.

Je vais aussi vous présenter ma team de CE2. 22 enfants. 11 filles et 11 garçons. 22 êtres humains tous différents. Quelques-uns sont un peu plus différents : précocité (HPI), TDA-H, TSA, hypersensibilité, dys. Des atypiques, comme moi. Je les connais bien mes zouzous (oui, je les appelle les zouzous mais aussi les crapauds et nombreux autres petits noms affectueux), j’étais déjà leur maitresse en CE1. J’aime bien suivre mes élèves, un an pour se connaître et s’apprivoiser, et une autre année pour pleinement en profiter. Une relation de confiance ne se construit pas en quelques mois, comme en amour ou en amitié. Et du temps il en faut pour que ces enfants se sentent bien en classe. Une année, c’est vraiment trop court.

On en vient à mon objectif principal : le bien-être en classe. Je pense mon organisation journalière pour que chacun de mes élèves arrive heureux en classe et en reparte avec le sourire. Tout enfant heureux en classe est un élève qui travaille. Mais comment se donner la chance d’arriver à ce résultat ? La démarche est la même que pour nous adultes et est valable pour chaque être humain. Il faut apprendre à bien se connaître, identifier ses besoins, s’accepter. Ainsi il est plus simple de trouver sa place, connaître ses facilités scolaires ou relationnelles, tout comme ce qui nous pose problème. Un élève ayant une hypersensibilité visuelle peut être extrêmement dérangé en classe par le néon au-dessus de sa tête sans pour autant pouvoir l’exprimer; un autre ne peut travailler qu’en étant debout, une autre encore dessine pendant que je parle, ce qui lui permet d’être plus concentrée. Alors je passe beaucoup de temps au début de l’année à les observer et à discuter avec eux. Mais je ne fais pas plus long, je reparlerai de tout ça dans une autre chronique.

J’ai toujours enseigné avec cette envie de rendre les gens heureux et, en particulier, mes enfants et mes élèves, mais pendant longtemps je ne le faisais pas de manière consciente. Depuis la découverte de mes atypies, j’ai conscientisé cet objectif. Maintenant, quand on me demande de parler de ma pédagogie, je dis que je suis une maîtresse intuitive qui cherche à ce que ses élèves soient heureux en classe. Et je peux dire, en étant fière de moi, que ça marche (oui, on peut être hautement sensible et être fier de ce que l’on accomplit).

Il me reste à parler du dernier sommet du triangle : les parents. J’essaye le plus possible de travailler avec eux, de les impliquer un maximum dans nos activités, et je leur demande à eux aussi de me faire confiance en début d’année car il semblerait que je ne ressemble pas forcément aux autres maîtresses. Je donne très très peu de devoirs, je ne fais pas d’évaluations, je rigole beaucoup avec leurs enfants, je donne la main si un enfant en a besoin, et parfois je fais même des câlins. Certains pourraient penser que les relations peuvent être tendues ou compliquées, mais je n’ai jamais eu aucun problème avec un parent d’élève. Là encore, lors des rendez-vous, je suis bienveillante car je ne connais pas leur vie privée, ni leur parcours. Je ne les juge jamais, ni leur dis ce qu’ils doivent faire avec leurs enfants, tout comme je n’aimerais pas qu’ils me donnent des conseils sur comment faire classe. Je leur parle des atypies de leurs enfants si nécessaire. Je suis sincère avec eux quand il y a des difficultés, mais je ne les accable, nous cherchons plutôt ensemble des solutions.

Être une maitresse atypique, c’est tenir compte de mes besoins tout comme je tiens compte de ceux de mes élèves. Et comme je sais que tout ce qui est bon pour les atypiques est bon pour tous, je ne me gêne pas pour en faire profiter tout le monde, moi y compris.