Alexandra est formée à l’accompagnement de la haute sensibilité par l’Observatoire. Son travail d’accompagnement des enfants, dans toutes leurs singularités, est une inspiration éclairante, cultivant avec soin et allégresse la richesse du vivant sensible et dessinant des lendemains plus conscients et plus sensibles.

 

Il est l’heure pour moi de vous retrouver et d’écrire une nouvelle chronique, la troisième, mais surtout la première de cette nouvelle année.
Chaque nouvelle année est le signe pour moi d’un commencement, je fais le point sur l’année écoulée avant de me jeter à corps, à cœur et à tête perdus dans la nouveauté, la surprise et l’inattendu.

En classe subsiste un paradoxe puisque cette année qui commence marque le milieu de l’année scolaire. Il signifie que doucement, mais inévitablement, nous nous dirigeons, mes élèves et moi, vers la fin d’une belle aventure. Quelques années en arrière, je n’aurais vu que la tristesse de les quitter. L’enseignante sensible que je suis se serait privée de profiter au maximum des 6 mois restants, subissant, comme un rouleau compresseur, le temps qui passe en oubliant de vivre intensément chaque jour, oppressée par les programmes à finir. Aujourd’hui, je me dis que j’ai la chance incroyable d’avoir encore 6 mois à partager avec eux avant de les voir s’envoler vers d’autres horizons.

Depuis l’année dernière, je les vois grandir, s’épanouir, se faire confiance et avoir une belle image d’eux-mêmes. Quel bonheur ! Leur sourire est dorénavant ma seule validation, celle qui fait de moi une bonne enseignante. Je sais que j’ai rempli mon rôle quand je vois dans le regard d’un élève qu’il ne se considère plus comme un nul, quand j’en entends un autre dire cette petite phrase magique « Mais en fait c’est facile ! », preuve qu’il considérait cette abondance d’apprentissages comme difficile, quand une autre, voyant un de ses camarades en difficulté, vient me voir en me disant « Maîtresse, est-ce que je peux aller l’aider sans lui donner la réponse ? » (Sourire intérieur car j’ai passé beaucoup de temps à leur expliquer pourquoi il n’était pas profitable pour un élève de recevoir la réponse sans explication, que cela ne l’aiderait à progresser et à être autonome dans son travail), qu’un autre encore n’utilise plus la violence en cas de conflit avec un pair. Ce sont tous ces petits moments de grâce qui valident mon travail, et non les notes de mes élèves.

Et qu’en est-il alors des programmes ? Je crois qu’on raisonne souvent à l’envers en classe. On envisage ces fameux programmes comme une fin en soi, une condition sine qua non pour se considérer comme une bonne enseignante. On entend souvent soit « Ouf j’ai réussi à boucler le programme. », ou alors « Je ne sais pas comment faire, jamais je n’arriverai à le finir. ». Il ne faut pas oublier que les programmes ne sont qu’une somme de concepts, de règles, de mots à emmagasiner dans le cerveau. Les élèves ne sont-ils que des machines à apprendre ? Eux, qui à leur âge ne pensent qu’à jouer, à bouger et à découvrir le monde ? Je n’ai jamais eu envie de les voir comme ça. Je les vois comme des explorateurs des mathématiques, de futurs écrivains, des citoyens ouverts sur le monde, de futurs inventeurs. Chacun aura une pierre à poser dans notre monde, une graine à semer autour de lui. Mais pour devenir tout ça, je dois les outiller, leur apprendre à lire, écrire et compter. Alors, oui je suis les programmes, mais ils ne sont pas mon objectif principal.

Mon objectif est double. Chacun de mes élèves doit être heureux de venir en classe et doit en repartir en se disant qu’il a passé une belle journée, même si elle n’a pas été parfaite (je trouve personnellement la perfection totalement ennuyeuse). Si ce contrat est rempli, il travaillera, apprendra, progressera, le tout avec le sourire sur le visage. Le programme sera fini en temps et en heure sans souci. Mais s’il vient en classe en traînant les pieds et repart de l’école en disant avoir passé une mauvaise journée, l’envie disparaîtra et avec elle le travail. Ces enfants sont des mini-nous. Est-ce que je prends du plaisir à lire un livre si je n’en ai pas envie ? Suis-je en état de retenir de nouveaux concepts si je ne suis pas heureuse d’être là où je suis ? La réponse est oui, mais cela se fera dans la douleur et sans plaisir. La motivation diminuera petit à petit, jusqu’à peut-être disparaître définitivement. Je pense que c’est pour ça que tant d’adultes ont eu une scolarité difficile entachée de tant de mauvais souvenirs. Et comment ces adultes pourront transmettre le plaisir d’aller à l’école à leurs enfants si eux-mêmes ne l’ont jamais éprouvé ?

La fabrique à souvenirs, parlons-en 🙂 Elle a une place prépondérante dans mon enseignement. Des souvenirs communs soudent un groupe et donnent envie d’aller à l’école. Alors réfléchissons à ce qui crée des souvenirs. Des moments habituels du quotidien ? Très peu. Non, les souvenirs viennent de moments pas comme les autres que j’appelle des bulles de bonheur. J’essaye au moins une fois par mois de créer une bulle, une de celles qui éclatent laissant autour d’elle joie, bonheur, surprise, et donc souvenir. Le mois de janvier est particulier pour moi, car le 13 est un jour pas tout à fait comme les autres, c’est la journée mondiale de la sensibilité, instituée par Saverio Tomasella. Cette sensibilité, on en parle souvent en classe, alors quoi de mieux en ce mois d’hiver que d’inviter dans notre tribu un grand sensible et écrivain de surcroît ? Nous avons eu le bonheur de recevoir en classe Alban Bourdy, écrivain, fondateur de l’association Surdouessence et co-dirigeant de l’Observatoire de la Sensibilité. Mes élèves ont pu lui poser toutes les questions qui leur passaient par la tête, de sa pointure à ce qu’il faisait des ses brouillons quand il avait fini d’écrire, en passant par l’argent qu’il touchait quand il vendait un livre. Ces visites sont importantes pour eux, et je remercie encore Alban d’avoir pris de son précieux temps pour nous rendre visite et mettre un nouveau souvenir dans notre jolie boîte. Je pense déjà à nos futures bulles de bonheur en classe. Je connais celle de février, mais chut ! Je vous en parlerai lors de la prochaine chronique.

Réfléchissons toutes et tous ensemble à ce qu’on pourrait changer au quotidien dans notre enseignement pour que chacun de nos élèves soit heureux de venir en classe, et du coup ait envie d’apprendre et de progresser. Souvent il suffit de pas grand-chose. Je serai ravie de vous montrer quelques petits trucs et d’échanger avec vous, je vous donne rendez-vous sur ma page Instagram @alexandradevaux8 pour partager ces belles idées, car je suis avide d’en découvrir de nouvelles.
En attendant, prenez soin de vous et de votre sensibilité car elle est un beau trésor.

Alexandra Devaux