Alexandra est formée à l’accompagnement de la haute sensibilité par l’Observatoire. Son travail d’accompagnement des enfants, dans toutes leurs singularités, est une inspiration éclairante, cultivant avec soin et allégresse la richesse du vivant sensible et dessinant des lendemains plus conscients et plus sensibles.

 

Voici l’heure de la chronique de février. Je profite de cette période de vacances pour m’installer derrière mon ordinateur et écrire.

Aujourd’hui j’ai envie de vous parler de moi et de l’enseignante que j’étais avant de découvrir ma haute sensibilité, ainsi que du moment de cette belle révélation.

J’ai toujours été une enseignante soucieuse du bien-être de mes élèves mais sans en avoir pleinement conscience, c’est à dire que je ne le disais pas ouvertement ni à moi ni aux autres. Avec le recul, j’analyse aujourd’hui la mise en place de ma pédagogie dès mes premières années d´enseignement.

Tout d’abord je n’utilise pas de manuels. Comment un livre pourrait-il être adapté à une classe entière ? (Ceci peut m´être encore de temps en temps reproché aujourd´hui mais cela m´est dorénavant égal). Je prenais déjà beaucoup de plaisir à concevoir moi-même les leçons, exercices et documents que j’allais utiliser en classe.
J´ai toujours fait attention à avoir un environnement coloré en classe (plaisir des yeux). Cette salle de classe, nous y passons entre 3 et 6 heures par jour alors on doit s´y sentir bien.

Les moments de discussion ont toujours été très nombreux en groupe ou de manière individuelle, d’autant que je travaillais en ZEP, que les problèmes de comportements étaient fréquents et que je ne voyais pas d’autres moyens de les résoudre que par les multiples échanges (On me disait que je m´investissais trop émotionnellement et je ne comprenais pas pourquoi).

Évidemment je ne peux oublier mon incompréhension quant à la demande hiérarchique de la mise en place impérative d’un emploi du temps à la minute près et des programmations hebdomadaires de ce que j’allais faire en classe. Mais je débutais et n’osais exprimer mon désaccord. Au fond de moi bouillonnaient de nombreuses questions : Pourquoi faire cet emploi du temps alors que je ne savais pas moi-même si j’avais envie de faire des maths, du français ou toute autre matière et ne pouvais anticiper l’état émotionnel de mes élèves ainsi que leurs envies ? Comment pouvais-je prévoir que la dixième semaine je ferai le verbe être au présent sans savoir si les connaissances nécessaires à cet apprentissage seraient acquises ? Pourquoi me demander de prévoir l’imprévisible et de ne laisser aucune place à la surprise et l’inattendu, surtout avec des enfants ? Et même si mes nombreuses questions restaient sans réponse, je commençais déjà à enseigner de manière différente, en dehors des clous. Cela m´allait très bien et à mes élèves aussi.

Les seuls moments compliqués se passaient quand j´étais inspectée. Maintenant je comprends pourquoi. Les inspecteurs étaient décontenancés par ma pédagogie et malheureusement je n’étais pas en mesure de l’expliquer, c’est pour cela que je dis souvent que je n’enseignais pas en conscience de qui j´étais mais juste de manière intuitive. Je dois vous avouer que mes inspections se sont toujours mal passées, sauf la dernière mais j’y reviendrai dans une autre chronique. J´en ai pris l’habitude. Je me disais que c´était un mauvais moment à passer et que le plus important était de retrouver ma classe dans laquelle je me sentais si bien.

Mes élèves étaient heureux, s´apaisaient, progressaient et il n’y avait que cela qui comptait pour moi. J´étais créative et j’adorais ça. Je changeais souvent de niveau de classe car sinon j´avais l´impression de m´ennuyer, ce qui m´a permis de souvent entendre que ce n´était pas bien car on ne devenait performant qu´en restant plusieurs années dans le même niveau. Ah l´école de la performance aussi bien pour les élèves que pour les enseignants. Ils ne comprenaient pas que l’ennui amoindrissait mon investissement et ma création (En fait, je n’en avais pas non plus conscience).

J´ai enseigné de cette manière jusqu’en 2020, date du confinement et du début de ma période d´introspection aussi bien personnelle que professionnelle. Je pourrais ajouter aussi que j´imaginais que ce qui se passait dans ma classe se passait dans toutes les classes, que tous les enfants étaient heureux de venir à l’école et que tous les enseignants faisaient tout pour le bien-être de leurs élèves. C´est mon côté bisounours je crois (n´est-ce pas, Alban).

2020 : COVID, pause, bilan.
Cela fait 20 ans que j’enseigne et il me reste encore 20 ans. Cela fait beaucoup de 20 me direz-vous mais pas seulement. Cet arrêt forcé (et nécessaire) me donne l´occasion de faire le bilan. Suis-je bien en classe ? Oui. Ai-je envie de faire les mêmes 20 prochaines années ? Non. Alors que faire, et surtout comment le faire autrement ?
Le hasard (mais existe-t-il vraiment ?) d´une rencontre (gratitude infinie à cette personne) m’a ouvert une nouvelle voie, m’a fait découvrir un nouveau chemin. Le mien. Moi qui passais tant de temps à apprendre à mes élèves à se connaître, à grandir et à être pleinement heureux, je prends soudainement conscience que je ne l’ai pas fait pour moi. Les lectures et les discussions commencent. Je vois une coach (Charlotte Wils) qui me permet de comprendre mon fonctionnement. Puis, je découvre l´association Surdouessence créée par Alban Bourdy (gratitude infinie numéro 2), et un nouveau monde s’ouvre. Je découvre des personnes comme moi, qui fonctionnent et ressentent les choses comme moi. C´est aussi à ce moment-là que je me rends compte que beaucoup d´enfants ne sont pas heureux en classe. Quel choc ! Mon cœur en est retourné.

Petit à petit, je comprends ma pédagogie décalée, mon intérêt pour ces enfants atypiques, comme moi, qui ne peuvent entrer dans aucune case, comme moi, à qui on demande sans cesse de s´adapter, comme moi. Tout s’éclaire. Je décide, en conscience, que chaque matin mes élèves arriveront avec le sourire, heureux de se retrouver, que si ce n’est pas le cas je devrais tout mettre en œuvre pour que ce sourire revienne sur leur visage ; que tous les après-midis ils repartiront avec ce même sourire synonyme de tous les bons moments partagés. Tout ceci pour une seule et unique raison : Un enfant heureux est un enfant qui travaille et qui progresse. Je découvrirai un peu plus tard qu´un enfant heureux est un enfant qui comprend qui il est et qui possède une meilleure connaissance de lui et de sa manière de « fonctionner ». Mais cela fera l´objet d´une autre chronique, peut-être celle de mars…

Je retourne à mes vacances, prendre soin de moi et cajoler ma haute sensibilité.