Alexandra est formée à l’accompagnement de la haute sensibilité par l’Observatoire. Son travail d’accompagnement des enfants, dans toutes leurs singularités, est une inspiration éclairante, cultivant avec soin et allégresse la richesse du vivant sensible et dessinant des lendemains plus conscients et plus sensibles.
Hello Hello
Octobre est déjà bien entamé, il est donc le moment de découvrir un nouveau parcours d’enfant sensible. Avec l’arrivée de l’automne (c’était chouette ce soleil et cette chaleur, mais bon, les saisons, le dérèglement climatique et tout et tout), j’ai le plaisir de recevoir mon amie Aurore Michaud. Aurore est une ancienne maman d’élève. J’ai eu son fils 2 ans dans ma classe, et puis un jour il est parti vers d’autres horizons et hop nous sommes passées naturellement d’une relation maman d’élève – maîtresse à amies. Comme une évidence… Nous appartenons à 2 mondes professionnels totalement opposés mais la haute sensibilité et la créativité sont des points communs à nos 2 métiers. Elle, la mode et l’esthétique, la découverte de nouveaux talents, moi, l’école et la découverte de nouveaux talents aussi.
Je vous laisse en sa compagnie et vous retrouve juste après. Bonne lecture.
1. Petite présentation
Prénom : Aurore
Nom : MICHAUD
Âge (si tu en as envie) : 39 ans et demi 😂
Profession : Responsable Commerciale événementiel mode
2. Quand as-tu pris conscience de ta haute sensibilité et quelles en sont les principales caractéristiques ?
À l’âge adulte, j’ai commencé à comprendre que j’étais hypersensible depuis toute petite, mais je me définissais à ce moment-là « à fleur de peau » puisque je n’avais pas d’autres termes pour qualifier ce trop plein permanent.
Je vis chaque situation à l’extrême que cela me concerne directement ou non. Je m’émeus d’une image, je pleure devant une toile de Van Gogh, l’intérieur de mon ventre vibre au sens propre lorsque je passe dans un lieu historique, j’ai la chair de poule sur les joues (oui, oui, sur les joues) quand quelqu’un me partage ses émotions, j’ai une boule dans la gorge et je peux m’effondrer en sanglots lorsque je suis témoin d’une injustice quelle qu’elle soit…la moindre petite chose positive me rend la plus heureuse du monde, un rien m’émerveille !
Alors heureusement, je ne manque pas de discernement donc je ne tombe jamais dans le « drama de situation » !
Il n’y a que la colère qui ne se décuple pas dans mes émotions contrairement au reste.
J’évoque les émotions…mais les situations dans lesquelles je peux devenir folle sont très nombreuses : les étiquettes des vêtements et les matières qui me grattent à m’en créer du psoriasis, le bruit me pollue ( je ne suis pourtant pas la dernière à parler fort pour me faire entendre ou à chanter dans des lieux ou situations qui ne s’y prêtent pas ! ), la lumière trop vive m’agresse, je n’arrive pas à dormir s’il y a un infime rai de lumière dans la pièce (je le trouverai) ou un moindre petit bruit… Toutes ces gênes sont profondément frustrantes et m’empêchent parfois de vivre pleinement l’instant. Je me dois d’accepter ces sensibilités pour ne pas devenir insociable, insupportable à vivre ! Alors en général, je n’évoque que l’aspect émotionnel dans une conversation, ça paraît moins lourd et c’est plus cohérent avec ma joie de vivre !
Et j’en passe… Il y aurait tant à dire encore…
J’ai intégré l’hypersensibilité le jour où c’est toi qui m’as « diagnostiquée » et m’as parlé de ce terme, il y a quelques années finalement.
3. As-tu des souvenirs d’école ou de vie avec les autres, bons ou moins bons, liés à ta haute sensibilité ?
Enfant, j’étais plus que très sensible à un tas de choses dont certaines ne font écho que maintenant.
Je te rappelle que je vivais à la montagne donc les hivers étaient compliqués à supporter avec les matières qu’il fallait porter pour ne pas avoir froid. Je me souviens à l’instant de l’hiver 1992 : nous faisions le déplacement pour assister aux JO d’hiver à Albertville et malgré le soleil, les températures négatives étaient annoncées, sans compter sur le temps à piétiner les pieds dans la neige des gradins pour regarder les compétitions de ski. Ma mère m’avait préparé un collant chaud en laine, un sous pull et un pull chauds à mettre sous ma combinaison de neige. J’avais tellement l’appréhension de ces matières que je suis partie à 5h du matin avec mon pyjama et mes petites chaussettes en dessous de ma combinaison de neige sans que ma mère ne le sache ! Bon…bah j’ai souffert du froid mais pas du grattage !!
À l’école, j’avais souvent des douleurs dans le plexus solaire et dans le ventre à la moindre injustice entre élèves, ou lorsque mes instituteurs disputaient mes camarades devant tout le monde. Ça me faisait mal à l’intérieur du corps et aujourd’hui je sais que c’est parce que je trouvais cette situation rabaissante. Un jour je me suis plainte de ces douleurs à ma mère tant c’était parfois handicapant. Elle m’a emmenée chez le médecin qui a d’ailleurs cru à une crise d’appendicite !
J’ai toujours eu de la peine pour tout le monde…alors qu’on appelle ça couramment de l’empathie.
Et la douleur physique…parlons-en aussi puisque c’est assez paradoxal en termes de sensibilité : j’ai une résistance à la douleur physique que je ne comprends pas et que je ne peux pas expliquer. Serait-ce parce qu’à force de vouloir garder mes émotions pour moi le reste du temps, je garde la douleur cachée ?
Les odeurs…si elles ne sont pas naturelles les odeurs de parfums m’incommodent et me donnent la nausée. Sur mon lieu de travail, en open space de surcroît, j’ai déjà vexé involontairement plusieurs personnes lors de leur arrivée dans la société puisque je leur demandais de changer de parfum ou de ne plus en mettre… Je sais à présent qu’elles ont compris que ce n’était pas personnel, mais c’est une situation extrêmement gênante dans les deux sens. Dans les transports en commun, les parfums me font régulièrement descendre et prendre le métro suivant ou changer de rame…
4. Qu’aurais-tu aimé avoir ou faire à l’école afin de mieux vivre ces temps de classe et de pouvoir explorer pleinement ta sensibilité ?
Que ce soit à l’école ou dans le cadre familial, j’aurais aimé qu’on me parle du fait que pleurer par bonheur ou par empathie peut s’avérer normal. Qu’on me parle de toutes les émotions ou qu’on me donne accès à des livres ou illustrations qui expliquent que ces sentiments de trop plein permanents ne concernent pas tout le monde mais existent !
Très tôt, j’ai senti que mon fils avait hérité de cette sensibilité : tout petit, je lui lisais, entre autres, le livre d’illustrations « Parfois je me sens », de Anthony Browne. Je trouve que dès petit, comprendre ses émotions et accepter de les vivre est génial puisque ça ne devient plus un frein dès lors qu’on le considère comme un trait de caractère. Lorsque je dis aujourd’hui à mon fils qu’il est hypersensible, il me répond que non mais se ravise lorsqu’il analyse les réactions ou les ressentis totalement différents de ses amis. Je suis donc heureuse qu’il le vive inconsciemment consciemment.
5. As-tu des conseils à partager afin d’être un ou une hypersensible heureuse ?
Il est rassurant de se savoir hypersensible, lorsque c’est avéré bien entendu… Au même titre qu’il est important de se faire « diagnostiquer » si cela devient ingérable et qu’il nous est impossible de contenir nos émotions négatives, surtout si on le fait subir à notre entourage. Et quand la bipolarité s’en mêle, ce n’est pas toujours simple.
La remise en question est primordiale quel que soit notre degré de sensibilité, puis il suffit de se foutre la paix dès lors qu’elle ne dérange personne et qu’on l’accepte. À l’inverse, il est possible qu’elle nous pèse ou insupporte notre entourage dans l’extrême : à ce moment-là, j’inviterais n’importe qui à consulter un professionnel ou un énergéticien pour apprendre à équilibrer tant bien que mal ses émotions.
Tout d’abord je remercie Aurore pour avoir accepté mon invitation et pour s’être livrée en toute authenticité.
Je la remercie aussi d’avoir mis des guillemets autour du mot « diagnostiqué » car je tiens à rappeler que la haute sensibilité n’est pas une maladie mais un mode de fonctionnement au même titre que le HPI ou le fait d’être gaucher. On ne peut donc pas en guérir mais tout simplement apprendre à vivre avec. Il m’est arrivé une fois, lors d’un rdv parents d’un de mes élèves précoces, d’évoquer cette situation. En effet, la maman ne voulait pas trop entendre parler de précocité car cela lui semblait trop complexe à gérer. Je lui ai expliqué que si son fils était gaucher, elle pouvait le contraindre à écrire de la main droite (comme c’était le cas souvent avant). Il s’adapterait mais cela serait compliqué pour lui car ce ne serait pas sa main naturelle et qu’il valait mieux le laisser écrire de la main gauche. Ne pas tenir compte de sa précocité, c’était aussi le forcer à s’adapter à un mode de fonctionnement qui n’était pas le sien. L’image lui a parlé et elle a cherché des associations pour mieux se renseigner sur la précocité. On parle ici spécifiquement de haute sensibilité mais il en est de même pour tout mode de fonctionnement. Mieux se connaître est un préalable pour s’accepter pour enfin pouvoir s’aimer.
Aujourd’hui, j’ai aussi envie de vous parler de haute sensibilité tactile. Aurore nous parle de ces matières qui grattent, tout comme les étiquettes, qui lui déclenchent même du psoriasis. Un enfant qui se plaint des étiquettes, ou des coutures des vêtements qui semblent lui provoquer de l’inconfort pouvant aller jusqu’à la douleur ou des maladies de peau, est certainement un enfant hypersensible (je vous conseille d’ailleurs une super marque de vêtements sans couture ni étiquette @flipflap_vetements sur Instagram). On parle souvent et surtout des habits mais il n’y a pas que ça. Je peux témoigner de l’effet du soleil sur la peau de mon fils (un coup de soleil se transforme rapidement en énormes cloques). Il y a aussi le fils d’une amie qui ne supporte pas le contact avec le blanc d’œuf. Les exemples sont nombreux et sont des signes de haute sensibilité tactile et non des caprices enfantins (Avez-vous remarqué que l’on parle beaucoup moins de caprices d’adultes ?). Mais je tiens comme toujours à évoquer ici le pendant positif de cette grande sensibilité. Ces personnes sont aussi touchées positivement et ressentent du plaisir en touchant certaines matières (j’ai installé des tissus tout doux sur certains murs de ma classe que les élèves peuvent « caresser », ainsi que des peluches dont le contact fait beaucoup de bien à certains). Elles peuvent aussi éprouver une grande joie à pétrir de la pâte à pain ou à sentir l’eau de la douche glisser sur leur peau par exemple. Nous sommes sensibles aux caresses, aux câlins, au contact de la peau des gens qu’on aime (autant qu’écœurés par celle de ceux que nous n’aimons pas). Nous sommes des tactiles, mais pas avec n’importe qui. J’utilise ma haute sensibilité tactile à l’école. J’ai remarqué que je touchais mes élèves quand j’avais besoin de les calmer lors de leurs débordements d’émotions. Je leur tiens les mains, leur caresse le dos, ce sont comme des liens énergétiques entre nous. Je connais d’ailleurs plusieurs hypersensibles tactiles qui utilisent leur talent pour soulager des douleurs ou apaiser le mal-être. Cette haute sensibilité tactile est certes parfois difficile à vivre mais peut apporter beaucoup pour soi et pour les autres.
Pour finir, je voulais revenir sur les paroles d’Aurore qui disait qu’elle aurait aimé qu’on lui parle des émotions en classe. Eh bien je suis en plein dedans avec mes CE1. Mettre les bons mots sur ce que l’on ressent est important. Voilà une petite liste qui permet d’aborder les émotions avec vos élèves ou vos enfants :
- Le film « Vice-Versa » de Disney.
- Le livre « La couleur des émotions » de Anna Llenas.
- Le livre « Le monstre des couleurs va à l’école » de Anna Llenas.
- Le livre « Au fil des émotions : dis ce que tu ressens » de Cristina Nuñez Pereira.
- Le livre « Le loup qui apprivoisait ses émotions » d’Orianne Lallemand.
- Le livre « Les émotions », dans la collection Mes p’tites questions.
Et la liste est encore longue…
J’ai créé aussi un certain nombre de ressources notamment pour Vice-Versa et La couleur des émotions. N’hésitez pas à me contacter.
Merci à toutes et tous pour votre lecture. Vous pouvez me retrouver sur Instagram, sur la page @alexandradevaux8 et vous pouvez aussi découvrir Aurore sur sa page @auror_michaudpro
Au plaisir de vous retrouver en novembre pour un nouveau Parcours d’enfant sensible.
Alexandra
Je suis admiratif devant des émotions posées aussi naturellement sur le papier.